Précisions sur l’indépendance de l’Archevêché survenue le 30 décembre 1965
Le président de la commission canonique le professeur N.A. Afanassiev, rapporteur sur la question des statuts, remarque dans son introduction la difficulté rencontrée lors de l’élaboration du projet de Statuts, du fait du manque de temps, ce qui n’a pas permis de formuler avec plus d’exactitude
certains paragraphes des Statuts, englobant tout de même la structure de la vie administrative de notre entité ecclésiale – l’archevêché orthodoxe. Le projet de Statuts correspond à d’autres statuts du même genre, mais comprend la modification principale, concernant la proclamation de l’indépendance de notre entité ecclésiale. Ainsi se pose le problème de l’explication de ce nouveau facteur de la vie ecclésiale, défini par le terme d’indépendance, qui a une portée importante, et qu’on ne peut pas surévaluer, ni sous-évaluer.
L’indépendance est un terme qui ne peut être lié à la nature de l’Eglise, car il s’agit d’une notion administrative, alors que l’Eglise reste l’Eglise de Dieu en Christ.
L’indépendance concernant l’Eglise, comme facteur de la vie ecclésiale, connaît une longue histoire, et on en trouve des traces à l’époque du IV Concile œcuménique de Chalcédoine (451) lors duquel ont été précisées les limites du nouveau patriarcat de Constantinople, avec les annexions de nouveaux territoires. C’est ainsi qu’à cette époque on avait les patriarcats suivants : Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem, tous autocéphales, tout à fait indépendants les uns des autres. Plus tard sont apparues des Eglises ayant une indépendance relative, en fait limitée.
Pour ces Eglises le patriarche de Constantinople n’ordonnait que des métropolites, et pas d’autres évêques. Les autres évêques diocésains, étaient sacrés par le métropolite. Le droit de sacrer des métropolites était déterminant pour le niveau d’indépendance de telle ou telle unité ecclésiale. Cet ordre était un facteur nouveau dans la vie de l’Eglise, et il devait entraîner certaines conséquences.
En particulier les Eglises ayant une indépendance limitée espéraient obtenir l’indépendance complète, se déclaraient telles et attendaient du patriarche de Constantinople la reconnaissance de cette indépendance. Parfois, au terme d’un certain délai, le patriarche de Constantinople accédait à la demande de ces Eglises et reconnaissait leur indépendance complète. C’est ainsi que l’Eglise de Russie, avant d’obtenir son autocéphalie, se déclara indépendante, ce qui n’a pas été reconnu par Constantinople pendant longtemps, et l’indépendance autocéphale fut enfin accordée beaucoup plus tard. Il n’a jamais été question d’acte de pénitence. A l’époque moderne c’est de la même façon que plusieurs églises obtinrent le statut d’autocéphalie : l’Eglise de Bulgarie, l’Eglise de Serbie, l’Eglise de Roumanie. Ainsi l’indépendance n’était qu’un fait purement administratif dans la vie de l’Eglise, touchant à son organisation, mais non sa nature, car l’Eglise est l’Eglise de Dieu en Christ. Le p. Nicolas passe ensuite à l’application de ces principes à notre situation.
La situation de notre entité est particulière, inhabituelle, et inconnue de l’histoire de l’Eglise. Elle n’est pas prévue par le droit canonique. Le patriarche de Constantinople ainsi que son synode abolissent l’exarchat russe du trône œcuménique, l’entité ecclésiale qui, étant autonome pendant 35
ans se trouvait sous la protection du patriarcat œcuménique. C’est un fait nouveau, inconnu de l’Eglise ancienne, ni des canons de l’Eglise. Etant aboli, l’ex-exarchat russe, en qualité d’entité ecclésiale a toute latitude pour prétendre à son indépendance. Nous sommes devenus indépendants, puisque le patriarche nous a libérés. Et volens-nolens, nous devons annoncer notre indépendance. Ce chemin est naturel, et ad jure parfaitement légal.
Le décret patriarcal, abolissant notre exarchat, contient il est vrai, une recommandation nous invitant à retourner à notre Eglise Mère, ce qui pour des raisons évidentes n’est pas possible. L’expression Eglise Mère en l’occurrence, du point de vue strictement canonique est inapplicable, car nos
paroisses n’ont pas été fondées ni organisées dans le cadre d’une mission par des missionnaires, ni une prédication, ni par l’Eglise russe, ni par celle de Constantinople, sous la protection de laquelle elle a existé pendant 35 ans.
Mais il y a encore deux faits qui contribuent à la définition de notre situation ecclésiale. Ce sont deux facteurs déterminants dans la vie de notre Eglise :
– 1. L’indépendance de chaque Eglise locale, et
– 2. L’obligation d’être en communion liturgique avec les autres Eglises.
De cette façon, après la proclamation de notre indépendance, se présente devant nous la question de notre communion liturgique avec les autres Eglises. C’est-à-dire la question de la reconnaissance de notre entité indépendante. Notre position n’a jamais été évoquée par les canons avant le VII Concile œcuménique (787). Cette question ne s’est jamais posée à la
conscience canonique, et c’est ce qui nous préoccupe.
La première réaction à notre proclamation d’indépendance, ainsi qu’à notre demande de reconnaissance de celle-ci devrait venir du patriarche de Constantinople, avec lequel nous devons rester en communion liturgique, et tout porte à croire que la réponse du patriarche sera positive. Le patriarche œcuménique, dont nous avons été un exarchat, peut recommander de nous reconnaître aux autres Eglises. D’autres réactions peuvent venir
d’autres Eglises autocéphales, incessamment ou plus tard, même des années plus tard. Par exemple l’Eglise de Bulgarie a attendu 70 ans pour que soit reconnue son indépendance.
Il faut aussi avoir à l’esprit que la reconnaissance dépendra de nous-mêmes, comment nous allons organiser notre vie ecclésiale.
Le p. Nicolas Afanassiev attire notre attention sur le fait que la question de la proclamation de notre indépendance est une question administrative, touchant à l’administration de l’Eglise. C’est pourquoi notre indépendance est permanente de fait, et notre entité ecclésiale continue d’exister comme par le passé, elle est une Eglise valide et active, et notre indépendance ne remet pas en cause la plénitude de la Sainte Eglise.