Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale

Patriarcat de Moscou

Annonciation de la Très Sainte Mère de Dieu

Homélie prononcée 25 mars 2006 par le Protopresbytre Boris Bobrinskoy à la Paroisse de la Sainte-Trinité (crypte de la cathédrale).

Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,

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Cette fête que nous appelons « fête de l’Annonciation » est beaucoup plus que l’annonce d’une maternité inattendue, on peut dire que c’est véritablement l’annonce de l’Évangile, c’est-à-dire de la Bonne Nouvelle, c’est l’annonce de la venue de notre Salut.

L’ange qui vient vers Marie, une jeune fille vierge de Nazareth, porte en lui la plénitude du message trinitaire : « Je suis Gabriel je me tiens devant Dieu » disait-il à Zacharie. Et, à présent, l’archange Gabriel se tient, toujours au nom de Dieu, devant cette jeune fille toute stupéfaite et même emplie de crainte devant cette apparition.

Il lui annonce la naissance d’un fils. Et quand elle s’interroge « Comment cela peut-il se faire car je ne connais pas d’homme ? » Il lui répond « L’Esprit Saint descendra sur toi et la puissance du Très Haut te couvrira de Son ombre. » Ainsi l’archange Gabriel est celui qui annonce la venue de l’Esprit Saint.

L’Esprit Saint est Celui que saint Paul appelle « l’Esprit de la filiation », c’est-à-dire l’Esprit par Lequel, nous-mêmes, nous crions intimement, du plus profond de nous-mêmes « Abba, Père ! ». En effet, quand nous sommes tournés vers le Père dans la liturgie eucharistique ou dans notre prière la plus personnelle c’est par l’Esprit Saint, dans l’Esprit Saint et pour l’Esprit Saint que cela se réalise. Si l’Esprit Saint est cet Esprit de la filiation c’est non seulement dans le temps de notre salut, mais c’est aussi de toute éternité, car l’Esprit et le Fils sont ensemble issus tous deux mystérieusement et éternellement du sein du Père et demeurant éternellement dans le sein du Père.

Ainsi, l’Esprit révèle le Fils éternel et, à son tour, lorsque l’Esprit vient en nous Il nous confère la grâce de devenir enfants de Dieu, fils et filles de Dieu. Aujourd’hui s’accomplit en Marie ce que l’on a pu appeler quelquefois la « Pentecôte personnelle de Marie ». « Pentecôte personnelle »… mais la Pentecôte est toujours personnelle : la Pentecôte est toujours ecclésiale pour l’Église entière et pour le monde, mais elle est également et toujours personnelle car il y a la découverte d’une relation personnelle qui se noue avec le Seigneur.

Et aujourd’hui, Marie est remplie de l’Esprit Saint, non pas qu’elle ne le fut pas auparavant car elle était choisie et élue depuis toujours pour être le réceptacle et le temple de la venue du Sauveur, mais dorénavant l’Esprit Saint demeure en elle et demeurera en elle pour toujours. Pour toujours… déjà pendant les neuf mois de la grossesse de Marie et de la gestation du Fils de Dieu devenu Fils de l’Homme en elle, et ensuite pendant tout le temps de sa maternité jusqu’à l’âge adulte de Jésus. Pendant les trente années de la vie cachée de Jésus, Marie accomplira sa vocation de maternité dans et par l’Esprit Saint. L’Esprit Saint est, en effet, toujours Celui par lequel s’accomplissent les vocations que Dieu nous offre et les services qu’Il nous confie.

Ainsi Marie continuera donc à être toujours le réceptacle d’élection de l’Esprit Saint jusqu’au jour où après avoir été, elle-même, témoin de la résurrection de son Fils elle se retrouvera au cénacle, dans la chambre haute, avec les disciples pour recevoir une nouvelle fois l’Esprit Saint.

Par ailleurs, ce qu’il nous faut aussi retenir aujourd’hui de cette grande fête, de ce grand mystère de l’Annonciation, c’est le « oui » de Marie : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole ! » Car, le Seigneur Dieu avait besoin de ce « oui », de cette acceptation, de cette adhésion de la créature, de cette faible créature que nous sommes tous, pour que s’accomplisse le plan trinitaire du Salut.

Dieu avait en effet besoin du « oui » de son humble servante. Et à partir de ce « oui » « Toutes les générations, dira Marie à Élisabeth, me diront bienheureuse ». Il nous faut donc bien comprendre que Dieu est toujours à notre écoute dans l’attente du « oui » de Ses serviteurs et de Ses servantes, Dieu ne cesse d’attendre le « oui » de ses enfants. Bien sûr, la grâce de Dieu peut surgir et faire irruption dans nos cœurs et dans nos vies, mais cette grâce de Dieu ne s’impose pas, elle respecte notre liberté, elle se propose, s’offre et nous sollicite, Nous sommes toujours, je dirais, humblement sollicités par la grâce de Dieu qui désire entrer en nous.

Et alors c’est toujours par l’entremise d’un ange que nous est communiqué le don de l’Esprit Saint, Puis, quand l’Esprit Saint vient en nous, alors notre vie intérieure est tout illuminée. Et, dès lors, peu à peu, au prix d’un nécessaire combat spirituel, avec des efforts, des chutes et des relèvements nous réalisons notre filiation pour devenir véritablement enfants de Dieu. En effet, si le Fils de Dieu est devenu Fils de l’Homme c’est pour que les enfants des hommes deviennent enfants de Dieu, voici donc tout le programme immense, infini, indicible de notre vocation.

Par son « oui », Marie ouvre doublement une porte, elle ouvre la porte à la grâce de Dieu et elle ouvre la porte à la créature pour que s’opère véritablement cette rencontre, ces épousailles entre Dieu et l’humanité, entre Dieu et l’homme, entre le Christ et toute âme humaine, Ainsi, dès aujourd’hui ces épousailles se réalisent.

Voilà pour quoi nous chantons « Marie, réjouis toi, épouse inépousée… » car c’est par l’acceptation de cette jeune épouse inépousée que s’accomplissent les épousailles de toute âme humaine avec le Seigneur. Ce « oui » de Marie anticipe et prépare le « oui » de toute créature, et c’est pourquoi, chacun de nous doit à son tour dire « Je suis la servante ou le serviteur du Seigneur, que soit accomplie en moi Sa parole. » Amen.

Père Boris