Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale

Patriarcat de Moscou

Dimanche du Triomphe de l’Orthodoxie en 2024

Le 24 mars dernier, à la demande de Mgr Dimitrios de France, président de l’AEOF, et avec la bénédiction de Son Eminence le métropolite Jean de Doubna, Son Excellence Mgr Elisée de Reoutov a assisté à la Divine Liturgie de la fête du Dimanche du Triomphe de l’Orthodoxie  en la cathédrale Saint-Stéphane à Paris. A l’occasion de cette fête  Monseigneur Elisée a prononcé l’homélie suivante:

 

Chers frères et sœurs en Christ !

 « Toi, suis moi » : ces paroles du Christ que nous venons d’entendre sont adressées autant à Philippe  qu’à chacun d’entre nous… pourvu que nous soyons capables à l’exemple de Nathanaël  de poser un acte de foi et de répondre au Seigneur sans hésitations ni détours « Tu es  le Fils de Dieu ! »

Mais qu’est-ce que suivre le Christ ? Comment le suivre de nos jours, dans notre monde actuel, tels que nous sommes ?

Suivre le Christ c’est avant tout savoir confesser notre foi comme cela a été fait lors de la proclamation de la légitimité du culte des saintes images à la suite de la crise iconoclaste; évènement que nous commémorons aujourd’hui dans l’Eglise.

Cette crise iconoclaste suscita pendant plus d’un siècle des vagues successives de violences et de persécutions au sein de l’Eglise, opposant deux conceptions différentes du culte des images : l’une –erronée- prétextant que ce culte relevait de l’hérésie parce que  les icônes étant matérielles ; elles séparaient ou confondaient les natures divine et humaine du Christ.

D’un autre côté, la conception proclamée par l’Eglise grâce à St Jean Damascène qui s’est fait l’apôtre de cette noble cause ; à savoir que les icônes sont des signes visibles de la sanctification de la matière, rendue possible par l’Incarnation du Christ.

C’est lors du concile de Nicée II en 787 que l’iconoclasme fut condamné comme hérésie, ce qui n’empêcha pas ,vers 815, Léon V l’Arménien de lancer de nouvelles attaques contre le culte des saintes images, attaques auxquelles l’Impératrice Théodora mis définitivement fin.

C’est donc lors du 1er dimanche du Grand Carême de l’an 843 que la victoire finale du culte des saintes images fut ratifiée sous le nom de « Triomphe de l’Orthodoxie » : le culte des saintes images fut restauré, et sa valeur spirituelle réaffirmée sans toutefois la confondre avec l’adoration qui n’est due à Dieu seul.

 Nous le savons, l’Eglise Orthodoxe nous enseigne que les icônes doivent être comprises en tant qu’elles sont toujours par définition l’expression d’une théologie relationnelle; en effet, l’icône est sacrée parce qu’elle devient un lieu de rencontre entre Dieu et l’homme. Et quel que soit le thème qu’elle représente, que ce soit le Christ, la Mère de Dieu, un saint, une sainte ou bien un épisode biblique, chaque icône devient un rayon de la Lumière Divine puisque Dieu Lui-même est par excellence à la fois l’origine et le terme final auquel renvoie chaque icône.

 Nous le savons, l’icône joue aussi un rôle primordial dans notre prière, tant personnelle que communautaire, en Eglise.

Par la vénération de l’icône notre sens du toucher est mis en éveil et donne ainsi à notre corps de pouvoir participer pleinement à la prière ; d’en devenir l’instrument. Vénérer une icône c’est réellement vénérer le Christ Lui-même ainsi que l’on fait avec une sainte et saine audace certaines femmes de l’évangile : telles les Myrrophores  étreignant les pieds du Christ ressuscité ; ou la pécheresse repentante versant de l’huile parfumée sur son Sauveur ou bien encore l’hémoroïsse qui par un simple toucher -ou plus exactement un frôlement- su retenir l’attention du Christ et obtenir ainsi la guérison de son mal.

Ainsi, vénérer une icône c’est toucher le Christ et donc nous laisser toucher par Lui afin de Le faire triompher dans et par notre vie.

Car en fin de compte, qu’est-ce que le « Triomphe de l’Orthodoxie » sinon à la suite des Saints Pères qui ont combattu pour la foi, combattre nous aussi le bon combat de la foi ; le combat spirituel qui est le nôtre, par notre prière, par notre ascèse personnelle ?

C’est pourquoi tous les dogmes conciliaires, dont celui de la vénération des Saintes Images, tous les combats que nous menons au Nom du Christ, dans l’amour, la vérité et la lumière sont et font le « Triomphe de l’Orthodoxie » car ils manifestent que la puissance de la Résurrection du Christ peut dès ce monde-ci transfigurer notre nature.

Et être chrétien aujourd’hui signifie ne pas simplement attendre la Gloire pour la fin des temps ; mais savoir dès aujourd’hui que notre chair peut être sanctifiée, glorifiée et déifiée, par la puissance des énergies divines qui nous sont acquises et données en abondance par le Ressuscité, pour autant que notre cœur soit disposé à les recevoir.

 Chers frères et sœurs ; pour reprendre ce qui a été lu dans l’épître de ce jour ; si nous voulons suivre le Christ, c’est-à-dire vivre notre christianisme dans le monde moderne (de plus en plus hostile à tout ce qui relève de la foi et à tout ce qui a trait à l’Evangile) il nous faut être prêts à être semblables à Moïse et David qui ont souffert, ainsi qu’à tous ceux qui ont vécu des persécutions de toutes sortes ; mais dont la foi a vaincu le monde .

Ne désespérons jamais dans notre combat spirituel, lorsqu’il nous arrivera de tomber, soyons suffisamment humbles pour nous laisser relever par le Christ ; alors, en esprit et en vérité, nous deviendrons des icônes vivantes de Sa Résurrection, « pour la vie du monde ».

Ce carême qui commence nous y aidera ; qu’il nous soit fécond spirituellement et que nous puissions faire nôtre cette prière : « Seigneur je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement une parole et je serai guéri ! »                                                                                              Amen !

+ Son Excellence Mgr Elisée de Reoutov