Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale

Patriarcat de Moscou

Allocution de Mgr Gabriel à l’occasion de sa visite à Nice

 align= « Je suis venu à Nice pour rencontrer les responsables de la paroisse et les membres de la communauté, leur donner ma bénédiction, leur exprimer mon soutien face aux épreuves qu’ils traversent.

« Le Conseil diocésain a approuvé le bien fondé de l’action engagée pour empêcher tout acte de spoliation aux dépens de la paroisse de Nice.

« L’Archevêché ne peut admettre l’affirmation selon laquelle l’État russe “est propriétaire aujourd’hui de la cathédrale”. Les documents en notre possession indiquent clairement que la cathédrale est la propriété de la paroisse enregistrée par l’administration française comme association cultuelle orthodoxe russe de Nice et placée sous mon autorité canonique.

« M. l’Ambassadeur de Russie à Paris m’avait prévenu à l’automne dernier des prétentions de son pays sur la cathédrale de Nice, en me laissant entendre que je devais me préparer à une bataille juridique. Je constate avec regret qu’aucune démarche de concertation n’a ensuite été engagée de la part de la Fédération de Russie pour essayer de régler à l’amiable ce dossier, mais que l’ambassade a préféré recourir immédiatement à la voie judiciaire. J’ai écrit cette semaine à M. l’Ambassadeur pour lui faire part de mon étonnement.

« Depuis leur fondation, les églises orthodoxes russes de Nice ont appartenu à la communauté paroissiale qui s’est constituée en 1923 en association cultuelle, conformément à la législation française, et parce qu’elle ne bénéficiait plus du soutien administratif et juridique que lui garantissaient avant la Révolution les autorités civiles et religieuses russes, sans pour autant que ces dernières soient propriétaires des biens immobiliers et mobiliers de la paroisse. Sur le plan juridique l’affaire est sans doute complexe. Les spécialistes du droit et les avocats préparent le dossier. Je n’entends pas me prononcer sur ces questions.

« Je veux juste rappeler que cette cathédrale a été construite, il y a plus de cent ans, grâce à des dons privés, rassemblés par les membres de la communauté orthodoxe russe locale, sur un terrain qu’a donné à titre gracieux le tsar martyr Nicolas II. Elle a par la suite été entretenue, embellie, restaurée au cours de ces quatre-vingt-dix dernières années grâce aux efforts du clergé et des fidèles de la paroisse, dont beaucoup d’émigrés contraints de fuir la Russie soviétique, et leurs descendants devenus depuis citoyens français, mais aussi des Occidentaux devenus orthodoxes. Depuis plusieurs années les importants travaux de restauration que nécessite un tel édifice ont également été pour une grande part pris en charge par des institutions françaises tant locales (la Municipalité de Nice et le Conseil général des Alpes-Maritimes) que nationales (les Monuments historiques). Je tiens ici à remercier les autorités françaises pour le soutien qu’elles ont apporté et continuent à apporter à notre cathédrale par leurs interventions appropriées et aujourd’hui même par leur présence : M. le ministre, M. le député, M. le maire, M. le Conseiller général, MM. les représentants de la société civile et religieuse niçoises.

« Nous ne cherchons pas à nous battre avec la Russie ; ce serait absurde à tous égards. Ce n’est pas notre mission. Nous ne sommes pas un organisme politique. Nous n’avons aucune puissance, aucun pouvoir de ce monde. Notre mission n’est pas d’ordre politique, diplomatique ou économique, elle est spirituelle. Notre mission, c’est avant tout de rendre grâce à Dieu, dans le culte divin, pour tous ses bienfaits et de lui demander, surtout en ce temps de préparation au grand carême qui précède Pâques, le pardon pour notre manque de gratitude, notre manque d’amour, nos manquements dans l’obéissance à ses saints commandements.

« C’est dans cet esprit que nous sommes là, comme l’ont fait nos prédécesseurs de bienheureuse mémoire – je pense notamment au Métropolite Vladimir, à l’archevêque Sylvestre, à l’Évêque Romain et tous les prêtres, qui ont tant fait pour cette cathédrale – pour accueillir tous les enfants de la Sainte Église orthodoxe, sans distinction d’origine ou de nationalité, qu’ils soient Russes, Ukrainiens, Français ou autre – moi-même je suis Belge -, dans cette cathédrale, pour qu’ils puissent y prier, s’y recueillir, y recevoir les sacrements salvateurs. Comme l’a dit notre Seigneur et Sauveur, il faut « rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Je ne pense pas que la Fédération de Russie, quand bien même serait-elle propriétaire de cette cathédrale, ce qui lui reste à démontrer – en ait vraiment besoin, alors que le culte orthodoxe de tradition russe y est célébré depuis près de cent ans sans l’aide du gouvernement russe et que personne ne remet en question ni ne menace le maintien de cette tradition ici, en dépit de certaines allégations. De plus, il y a tellement d’autres cathédrales et d’églises orthodoxes, en Russie même, qui ont été détruites, démolies, abîmées par État soviétique, dont la Fédération de Russie se présente aujourd’hui comme l’héritière, et qui attendent jusqu’à ce jour d’être restaurées ou reconstruites afin que la Parole de Dieu puisse à nouveau y retentir pour le salut du peuple russe qui a tant souffert.

« Pendant des décennies quand le peuple russe était soumis à l’oppression et les croyants aux persécutions, nous avons ici préservé la tradition liturgique, théologique et spirituelle russes. Nous avons sauvegardé mais nous avons aussi aidé. Avec nos très faibles moyens, nous avons aidé l’Église de Russie, ses fidèles persécutés, privés de l’essentiel, privés de la Parole de Dieu, en envoyant des Bibles, des livres religieux, en envoyant des collectes pour aider des familles chrétiennes dans le besoin, en faisant aussi des campagnes d’opinion pour alerter la communauté internationale sur ce que subissaient l’Église et les croyants en Russie. Nous n’attendons rien en retour si ce n’est de pouvoir poursuivre notre témoignage ici librement.

« Notre Seigneur Dieu dans son infinie sagesse sait « sonder les reins et les cœurs » mieux que quiconque. C’est pourquoi, dans cette épreuve, nous ne pouvons que nous tourner vers Lui et prier comme nous le faisons à chaque liturgie pontificale : “Seigneur, viens et visite la vigne que tu as plantée et affermis-la”, afin que ses fruits ne soient pas détruits et dispersés. Par les prières de saint Nicolas, Christ Dieu, sauve-nous et aie pitié de nous ! Amen. »