Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale

Patriarcat de Moscou

Conférence diocésaine « L’œuvre et l’héritage du Métropolite Euloge »

7 octobre 2006

Une journée commémorative marquant le 60e anniversaire du décès du métropolite Euloge, fondateur et évêque du diocèse de 1921 à 1946, a été organisée par l’Administration diocésaine, avec la bénédiction de S. Em. l’archevêque Gabriel, le samedi 7 octobre dernier.

Le matin, une panikhide a été célébrée dans la crypte de l’église de la Dormition auprès du cimetière de Sainte-Geneviève-des-Bois, sur la tombe du Métropolite Euloge. L’office était présidé par l’Archevêque Gabriel, entouré des archiprêtres Eugène Czapiuk, Wladimir Yagello, Serge Sollogoub, du prêtre Constantin Moguilevsky, des hiéromoines Athanase et Pierre et du diacre André Svynarov.

Dans l’après-midi, une conférence diocésaine sur le thème « L’œuvre et l’héritage du Métropolite Euloge » s’est déroulée à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge, à Paris, sous la présidence de l’archevêque Gabriel. Plus de soixante-dix personnes, parmi lesquelles S. Exc. l’évêque Basile d’Amphipolis et S. Exc. l’évêque André de Krateïa (Patriarcat œcuménique) et une dizaine de clercs, ont assisté à cette rencontre. Conférence diocésaine « l’œuvre et l’héritage du métropolite euloge » La conférence a été ouverte par le chant de la prière « Roi céleste » et par un court discours d’introduction de Mgr Gabriel qui a rappelé combien Mgr Euloge avait servi dans des moments difficiles, mais que cette vie avait « toujours été inspirée par l’Église ». « C’est un grand honneur pour moi d’être là, d’être son successeur. Je suis sans doute indigne et incapable de l’être, mais par ses prières et par vos prières, je sens que Dieu me donne la force pour faire mon possible », a-t-il dit. Mgr Gabriel a également donné lecture d’un message de S. Béatitude le Métropolite Sawa de Varsovie, primat de l’Église orthodoxe de Pologne, qui écrit que « le nom du métropolite Euloge est resté gravé dans le cœur et dans la mémoire des orthodoxes vivant en Pologne comme celui d’un digne et courageux pasteur, entièrement dévoué à l’Église ». Puis, Mgr Gabriel a lu un extrait du dernier chapitre du livre de mémoires du métropolite Euloge, qui constitue son testament spirituel : « J’ai interrogé ma conscience et je dois dire avec sincérité que si, durant différentes périodes de ma vie, j’ai agi et combattu sur des positions différentes et dans des directions différentes, je l’ai toujours fait en vertu du même et indestructible idéal, pour l’Église. […] L’Église est l’idée centrale de ma vie […] ». À l’issue de cette lecture, l’assistance a chanté pour le repos de l’âme du métropolite Euloge « Vetchnaïa pamjat’ » (« Mémoire éternelle »).

Deux communications ont ensuite été présentées, la première par M. Antoine Nivière, professeur à l’université Nancy-2, et la deuxième par M. Nikita Struve, professeur émérite à l’université Paris X – Nanterre. L’archimandrite Job, doyen de l’Institut de théologie Saint-Serge, assurait la fonction de modérateur.

Dans sa communication, Antoine Nivière a retracé la vie et l’œuvre du métropolite Euloge, soulignant qu’à deux reprises dans sa vie, ce dernier avait « construit une Église locale », dans la mesure où « à deux reprises il [avait] créé de toutes pièces une structure diocésaine avec un réseau de paroisses et d’organisations religieuses, culturelles et philanthropiques exemplaires : une première fois avant la révolution russe, à Chelm; une deuxième fois, dans l’émigration, en Europe occidentale ». Dans l’émigration notamment, en une vingtaine d’années, Mgr Euloge a supervisé la création d’une centaine de paroisses, à travers toute l’Europe et pour former les prêtres nécessaires à ces communautés, il a ouvert une école de théologie, où il a rassemblé les principaux penseurs de l’émigration russe, philosophes, théologiens, historiens de l’Église, qu’il soutenait et encourageait personnellement, a-t-il rappelé, en décrivant différents aspects de cette action, à partir de souvenirs et documents d’époque. En toile de fond de cette action pastorale exemplaire, il y eut les crises juridictionnelles dans lesquelles Mgr Euloge s’est trouvé emporté à son corps défendant, des conflits qu’il ne faut « ni sous-estimer ni surestimer ». « Je dois reconnaître que je n’ai pas un caractère combatif, mais plutôt paisible, tranquille, et pourtant durant toute ma vie en tant qu’évêque, j’ai été amené à vivre toutes sortes de péripéties et de combats », écrivait à ce propos le défunt métropolite. Ces différentes positions, Mgr Euloge a été conduit à les prendre par souci de « maintenir l’Église loin du politique et [de] défendre son indépendance et sa liberté ». Face aux troubles juridictionnels, la création de l’Exarchat sous l’omophore du Patriarche œcuménique, en 1931, offrait pour le métropolite Euloge « une solution canonique stable et un gage de communion avec l’ensemble de l’Orthodoxie dans sa dimension pleinement universelle ». Ainsi, sous son autorité, l’Église était « libérée du carcan administratif tel qu’il avait existé sous l’ancien régime et du contrôle politique tel que voulait l’imposer le nouveau régime ».

Pour sa part, Nikita Struve a déclaré que le métropolite Euloge avait été « l’un des plus remarquables évêques du XXe siècle, et dans l’émigration, sans conteste, le plus éminent ». Décrivant une « personnalité étonnamment harmonieuse », d’une grande vivacité d’esprit et, en même temps d’une grande simplicité, toujours entouré de ses fidèles qui cherchaient littéralement le contact avec lui, Nikita Struve a rappelé que « le combat pour la liberté de l’Église a été le combat de toute la vie du métropolite Euloge ». Si ce dernier n’a pas produit d’œuvre théologique, il a par contre laissé des « formules théologiques qui frappent », notamment quand il parle, dans le livre de ses mémoires, du « don merveilleux de la liberté », un thème central chez lui et qui le place dans la lignée d’Alexis Khomiakov, le théologien de la « sobornost’ ». Ces formules du métropolite Euloge peuvent se résumer à l’affirmation que « l’amour et la liberté doivent déterminer la vie ecclésiale à tous ses niveaux » et qu’ « une Église non-créative ne peut pas être une Église ». À ce propos, Nikita Struve a insisté sur l’importance des propositions émises par Mgr Euloge, dès 1905, lors d’une consultation de l’ensemble de l’épiscopat de l’Église russe, dans lesquelles celui qui était à l’époque évêque de Chelm suggérait de dépasser certains immobilismes et routines dans la vie de l’Église, notamment dans le domaine de la liturgie. « Ces vœux, pourtant mesurés, feraient sursauter plus d’un aujourd’hui, à plus d’un siècle de distance », a constaté Nikita Struve, avant d’en donner quelques exemples : revenir à la place centrale de la parole de Dieu ; utiliser plus souvent les psaumes dans les célébrations et en langue russe plutôt qu’en slavon ; associer les fidèles au chant lors de célébrations, simplifier la liturgie en omettant certains passages répétitifs. « L’étendue de ces propositions témoigne de la vision d’un pasteur qui se souciait de son troupeau », a affirmé Nikita Struve, avant de souligner que l’Archevêché avait vocation de garder vivant l’héritage du métropolite Euloge. « Notre originalité, c’est précisément notre fidélité à son héritage », même si certains, à Moscou notamment, cherchent aujourd’hui à capter cet héritage et à le déformer, a-t-il ajouté.

Ensuite a eu lieu une projection de photographies retraçant le parcours du métropolite Euloge depuis les débuts de son épiscopat en Russie jusqu’à sa mort à Paris le 8 août 1946. De très nombreuses photos, commentées par M. Antoine Nivière, ont permis d’illustrer les grands moments de la vie du métropolite Euloge liés au développement de diocèse depuis 1921 jusqu’en 1946, les visites du métropolite dans les paroisses, sa présence constante à l’Institut Saint-Serge avec les enseignants et les étudiants, sa participation régulière aux congrès de l’ACER.

Une exposition de documents historiques inédits, tirés des Archives de l’Administration Diocésaine, était également proposée. Parmi les documents exposés figuraient, entre autres, le laisser passer du Mgr Euloge au Concile de Moscou de 1917, des extraits des carnets manuscrits rédigés par le Mgr Euloge, lors de sa détention en Galicie en 1919, des extraits de la correspondance du métropolite avec de nombreuses personnalités de l’émigration russe, évêques et prêtres, théologiens, philosophes, écrivains, musiciens, mais aussi avec des responsables d’autres communautés chrétiennes (catholiques, protestants, anglicans, arméniens) engagés avec lui dans le mouvement œcuménique naissant.

L’archimandrite Job a ensuite dressé un bref bilan des communications, en insistant sur l’image du « passeur » qui se dégage de l’œuvre du métropolite Euloge, un « passeur entre l’héritage de la pensée théologique russe du XIXe siècle et du début du XXe siècle et l’Occident, ce qui a engendré une rencontre féconde avec le christianisme occidental ». Dans une intervention improvisée, en guise de conclusion, l’archevêque Gabriel a tenu à rappeler qu’autour du métropolite Euloge « il y a avait vos grands-parents et vos parents qui ont construit ces églises, cet Archevêché », qui ont transmis aux générations suivantes leur richesse spirituelle et culturelle, et que, grâce à eux, « notre diocèse a accompli sa vocation de mission et de témoignage de la foi ». « Tous ceux qui veulent travailler dans l’esprit du métropolite Euloge en vue de remplir notre mission et notre vocation dans et par l’Église sont les bienvenus, car la moisson du Seigneur est grande », a-t-il poursuivi. « Soyons fidèle à ce que l’on a vu et entendu cet après-midi », a-t-il ajouté, car « cela doit être source d’enthousiasme pour continuer leur travail ».

La rencontre s’est achevée par le chant de l’hymne à la Mère de Dieu.