Encyclique de Sa Sainteté le Patriarche Œcuménique Bartholomée I pour le Nouvel An Ecclésiastique et le Jour de la protection de l’environnement
Num. de prot. 738
+ BARTHOLOMÉE
PAR LA GRÂCE DE DIEU ARCHEVÊQUE DE CONSTANTINOPLE
NOUVELLE ROME ET PATRIARCHE CUMÉNIQUE,
QUE LA GRÂCE, LA PAIX ET LA MISÉRICORDE
DE NOTRE SEIGNEUR, DIEU ET SAUVEUR JÉSUS-CHRIST,
AUTEUR DE TOUTE LA CRÉATION,
SOIENT AVEC LE PLÉRÔME DE L’ÉGLISE
Frères et enfants bien-aimés dans le Seigneur,
Vingt-neuf années se sont écoulées depuis l’établissement par la sainte et grande Église du Christ du « Jour de la protection de l’environnement » pour la fête de l’Indiction. Au cours de cette période, le Patriarcat œcuménique a inspiré de manière pionnière de nombreux projets ayant porté de riches fruits et mis en lumière les ressources spirituelles et écologiques de notre tradition orthodoxe.
Les initiatives écologiques du Patriarcat œcuménique ont incité à démontrer, par la théologie, les principes écologiques de l’anthropologie et de la cosmologie chrétienne. Ces initiatives ont aussi fait la promotion de la vérité selon laquelle aucune vision du cheminement de l’humanité à travers l’histoire n’a de valeur si elle ne comprend aussi un élément d’espoir pour un monde qui serait une réelle « maison » (οἶκος) pour l’humanité, notamment à une époque où la menace permanente et croissante à l’encontre de l’environnement naturel se heurte à la possibilité d’une catastrophe écologique mondiale. Cette évolution est la conséquence de choix spécifiques quant au développement économique, technologique et social qui ne respectent ni la valeur de l’être humain ni le caractère sacré de la nature. Il est tout simplement impossible de prendre soin des êtres humains tout en détruisant l’environnement naturel – car il est au fondement de la vie – et tout en compromettant essentiellement le futur de l’humanité.
Bien que nous ne considérions pas comme approprié de porter un jugement sur la culture moderne à partir de « critères liés au péché », nous souhaitons souligner le fait qu’à notre époque la destruction de l’environnement est associée à l’arrogance humaine à l’encontre de la nature et à une relation de domination à l’égard de cette dernière, de même que par le modèle eudémoniste compris comme une disposition à la cupidité et une attitude générale de la vie. Même s’il est erroné de croire que tout était mieux par le passé, il est tout aussi insensé de fermer les yeux sur ce qui se passe aujourd’hui. L’avenir n’appartient pas à une humanité qui poursuivrait avec persistance des plaisirs artificiels et des satisfactions nouvelles – vivant dans un gaspillage égoïste et provocateur, tout en ignorant les autres ou en exploitant injustement les personnes vulnérables. L’avenir appartient à la justice et à l’amour, à une culture de l’entraide et de la solidarité et au respect de l’intégrité de la création.
Cet éthos et cette culture ont été préservés dans la tradition ecclésiale et divino-humaine de l’orthodoxie. La vie sacramentelle et cultuelle de l’Église est une expérience vivante qui exprime une vision, une approche et un usage de la création qui sont eucharistiques. Une telle relation avec le monde est incompatible avec toute forme d’introversion et d’indifférence par rapport à la création, avec toute forme de dualisme qui sépare la matière de l’esprit et compromet la réalité matérielle. Au contraire, l’expérience eucharistique sensibilise et mobilise le croyant par rapport aux actions respectueuses de l’environnement dans le monde. Dans cet esprit, le Saint et Grand Concile de l’Église orthodoxe a souligné : « Dans les sacrements, la création est affirmée et l’homme est encouragé à agir en économe, gardien et officiant’ de celle-ci, la présentant au Créateur » (Encyclique, §14). Toutes les formes d’abus et de destruction de la création, ainsi que sa transformation en objet d’exploitation, constituent une distorsion de l’esprit de l’évangile chrétien. Ce n’est pas une coïncidence si l’Église orthodoxe est considérée comme « la forme écologique » du christianisme dans la mesure où elle a préservé la sainte eucharistie au centre de sa vie.
En conséquence, les initiatives écologiques du Patriarcat œcuménique n’ont pas simplement été développées en réponse ou en réaction à la crise écologique moderne et sans précédent, mais comme une expression de la vie de l’Église, une extension de l’éthos eucharistique dans la relation du croyant à la nature. Cette conscience écologique innée de l’Église a été déclarée avec audace et succès face à la menace contemporaine qui touche l’environnement naturel. La vie de l’Église orthodoxe est une écologie du vécu, un respect tangible et inviolable de l’environnement naturel. L’Eglise est un événement de communion, une victoire sur le péché et la mort, ainsi que sur l’autosatisfaction et l’égoïsme à l’origine même de la dévastation écologique. Le croyant orthodoxe ne peut rester indifférent à la crise écologique. Prendre soin de la création et protéger de l’environnement sont la conséquence et l’expression de notre foi et de notre éthos eucharistique.
Il est clair que pour contribuer efficacement au défi écologique auquel nous sommes confrontés, l’Eglise doit reconnaître et étudier de telles questions. Nous savons tous que la plus grande menace pour notre monde contemporain est le changement climatique et ses conséquences destructrices pour la survie même de notre planète. Il s’agissait du thème central du 9e Symposium écologique intitulé « Une Attique plus verte : préserver la planète et protéger sa population » et organisé par le Patriarcat œcuménique en juin dernier sur les îles saroniques de Spetses et d’Hydra. Malheureusement, les incendies dévastateurs survenus récemment en Attique et les conséquences immédiates de cette immense destruction de l’environnement constituent la preuve tragique des opinions partagées par les participants du Symposium à propos de la gravité de la menace écologique.
Vénérables hiérarques et enfants bien-aimés dans le Seigneur,
La culture écologique de la foi orthodoxe est la réalisation de sa vision eucharistique de la création, résumée et exprimée par la vie ecclésiale en général. Tel est le message éternel de l’Église orthodoxe sur la question de l’écologie. L’Eglise prêche et proclame « les mêmes choses » « en tout temps » en accord avec les paroles irréfutables de son fondateur et de son chef : « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. » (Lc 21, 33) En adhérant à cette tradition, l’Église Mère appelle ses archidiocèses, ses métropoles, ainsi que ses paroisses et monastères du monde entier, à développer des initiatives, à coordonner des projets, à organiser des conférences et des activités qui feront prendre conscience et sensibiliseront les fidèles. Car la protection de l’environnement naturel est une responsabilité spirituelle de chacun d’entre nous. La question brûlante du changement climatique, et ses causes et conséquences pour notre planète et pour notre vie de tous les jours offre une occasion de dialoguer à partir des principes de l’écologie théologique, mais aussi une opportunité pour des activités pratiques spécifiques. Il est extrêmement important de mettre l’accent sur les actions au niveau local. La paroisse constitue la cellule de la vie ecclésiale, un lieu de présence personnelle, de témoignage, de communication et de collaboration, une communauté liturgique et de service.
Une attention particulière doit aussi être accordée à l’organisation de programmes éducatifs centrés sur le Christ pour nos jeunes afin qu’ils cultivent un éthos écologique. L’enseignement de l’Église doit leur être inculqué afin qu’ils respectent la création comme étant « très bonne » (Gn 1, 26), les encourageant à faire la promotion du soin et de la protection de la création, de la vérité libératrice découlant de la simplicité et de la frugalité, et d’un éthos eucharistique et ascétique de partage et de sacrifice. Il est impératif que les jeûnes reconnaissent leur responsabilité dans la mise en œuvre pratique des conséquences écologiques de notre foi, tout en se familiarisant et en faisant connaître la contribution déterminante du Trône œcuménique en faveur de la préservation de l’environnement naturel.
En conclusion, nous vous souhaitons une bonne année ecclésiastique et de nombreux fruits dans votre combat spirituel, invoquant sur vous la grâce vivifiante et la miséricorde de notre Seigneur Dieu Tout-Puissant et Sauveur Jésus-Christ, le chef parfait de notre foi, par les prières de la Toute-Sainte Mère de Dieu Pammakaristos, dont la vénérable icône, héritage sacré pour tous les orthodoxes, est vénérée avec respect et humilité aujourd’hui.
1er septembre 2018
Bartholomée de Constantinople
votre fervent intercesseur devant Dieu.
Pour poursuivre une réflexion sur la crise écologique, nous vous recommandons la lecture du livre de Monsieur Jean-Claude Larchet aux Éditions des Syrtes: » LES FONDEMENTS SPIRITUELS DE LA CRISE ÉCOLOGIQUE »