Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale

Patriarcat de Moscou

Message patriarcal pour les Saintes Pâques 2014

† BARTHOLOMAIOS

PAR LA GRÂCE DE DIEU

ARCHEVÊQUE DE CONSTANTINOPLE – NOUVELLE ROME

ET PATRIARCHE ŒCUMÉNIQUE

QUE LA GRÂCE, LA PAIX ET LA MISÉRICORDE

DU CHRIST GLORIEUSEMENT RESSUSCITÉ

SOIENT AVEC TOUT LE PLÉRÔME DE L’ÉGLISE

Christ est ressuscité !

« Venez », frères et enfants dans le Seigneur, « prendre la lumière à la Lumière sans déclin » du Phanar, le centre sacré des Orthodoxes, et glorifions tous ensemble à l’unisson « Christ ressuscité d’entre les morts ».

Sombre fut l’humeur les disciples après la Crucifixion ayant entraîné la mort du Seigneur. Car ainsi s’évanouissaient les espoirs qu’ils avaient nourris avant, Le voyant, se voyant avec Lui, possesseurs de pouvoir politique, ayant interprété l’entrée triomphale de Jésus Christ à Jérusalem comme un prélude à leur conquête du pouvoir séculier. Cette même pensée avait prévalu après la résurrection de Lazare et le miracle qu’Il avait opéré en nourrissant, avec cinq pains et deux poissons, cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants. Même la mère de deux d’entre eux avait demandé que ses fils prennent place l’un à la droite et l’autre à la gauche du Seigneur, lorsque Celui-ci allait accéder au pouvoir. Tout ceci s’évanouit comme un rêve d’enfant, à cause du coup terrible que fut pour eux la mise à mort de Jésus Christ.

Cependant, le matin « du premier jour de la Semaine », les femmes Myrophores trouvent le sépulcre vide et entendent l’Ange leur proclamer que Jésus est ressuscité d’entre les morts. Peu après, le Seigneur leur apparaît sous un autre aspect, qui ne leur permette pas de Le toucher. Ce renversement inattendu de situation rend perplexes les proches de Jésus concernant l’évolution future des événements. La réponse ne leur est pas fournie immédiatement. Ils sont avertis d’attendre patiemment jusqu’à ce qu’ils soient revêtus de la puissance venant d’en haut. Obéissant au commandement, les Apôtres attendent jusqu’à la Pentecôte, lorsque le Saint Esprit descendu sur eux leur révèle pleinement leur nouvelle mission. Celle-ci ne concerne pas l’affranchissement d’une nation asservie à une autre nation, mais la libération de l’humanité tout entière tenue sous l’empire du mal et du mal en général. Il s’agit d’une autre grande mission, différente de celle dont ils rêvaient.

Les Apôtres sont surpris par l’inconcevable commandement qui leur est donné. C’est à dire de diffuser au monde la nouvelle que l’être humain est délivré de la servitude de la mort. Une nouvelle répandue par eux avec empressement, et qui a sauvé, et qui sauve toujours, de nombreuses personnes de la mort. Il y a, dorénavant, le premier-né d’entre les morts, Jésus ressuscité, qui offre au monde entier la possibilité de la résurrection et de la vie éternelle ; une vie qui n’est plus soumise à la corruption car, dans la résurrection, les humains sont comme les anges de Dieu dans le ciel et ils portent un corps spirituel à la place du corps charnel.

Dès à présent, nous vivons par anticipation cet état béat de résurrection, lorsque nous portons notre vêtement charnel de façon à ne pas goûter à l’essence de la mort, c’est-à-dire notre éloignement de l’amour de Dieu, réalisant ainsi que nous sommes passés de la mort du corps charnel à la vie supérieure du corps spirituel, pour avoir connu, dans l’amour, le Visage du Seigneur. Une connaissance qui équivaut à la vie éternelle.

Or, nous n’attendons pas simplement la résurrection des morts, en tant qu’événement d’un avenir lointain, mais nous y participons d’ores et déjà, au point d’exprimer notre enthousiasme en nous exclamant avec saint Jean Chrysostome : « Ô Mort, où est ton aiguillon ? Enfer, où est ta victoire ? » Nous sommes ressuscités avec Jésus Christ et nous vivons les fins dernières comme étant le présent et vice-versa. La résurrection imprègne notre existence et la remplit de joie. De même que la bouche des disciples fut remplie de joie en disant que le Seigneur est ressuscité.

Aujourd’hui nous poursuivons l’œuvre des Apôtres. Nous transmettons au monde entier le message de la Résurrection. En toute connaissance de cause, nous prêchons que la mort ne doit pas avoir de place dans notre vie, qu’elle n’est d’aucune utilité pour l’humanité. Ceux qui cherchent à améliorer la vie sociale en causant la mort de certains de leurs semblables, ne rendent pas un bon service aux survivants. Ils sont au service d’une extension de la mort et se préparent d’y être engloutis par elle.

De nos jours, les tambours de la mort et de ténèbres se font entendre frénétiquement. Certains de nos semblables pensent que l’extermination d’autres parmi nos semblables est un acte louable et utile, mais ils se trompent gravement. Malheureusement, l’anéantissement et l’oppression des faibles par les puissants figurent tout en haut sur la pyramide des données de notre monde. On est souvent frappé de la dureté et de l’absence de compassion de la part de ceux qui tiennent les rênes du monde et qui s’imaginent le dominer.

Pourtant, par Sa mort sur la croix, Christ a renversé la pyramide séculière en plaçant à son sommet Sa Croix. C’est Lui-même qui se tient au sommet, car c’est Lui qui a souffert plus que quiconque. Nul au monde n’a souffert plus que le Christ, le Théanthrope : « […] reconnu à son aspect comme un homme, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix. » C’est pourquoi, Dieu le Père « l’a souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse, dans les cieux, sur la terre et sous la terre. » (Ph 2, 8-11.)

Dans l’histoire de l’humanité, on voit souvent prévaloir les ténèbres de la mort, l’injustice contre la justice, la haine et l’envie contre l’amour. Nous constatons que les humains préfèrent la haine infernale à la lumière de la Résurrection. En dépit du progrès technologique apparent des sociétés humaines, malgré les déclarations en ce qui concerne les droits humains et les libertés religieuses, la haine raciale et religieuse ne fait que croître mondialement, créant des tensions dangereuses qui exacerbent la domination de l’empire de la mort, de l’Hadès, de l’enfer. Les humains ne peuvent malheureusement tolérer la différence chez leur semblable. Ils ne peuvent accepter l’origine raciale différente d’autrui, ses conceptions et convictions différentes, qu’elles soient d’ordre politique, religieux, social.

Pourtant, l’histoire a prouvé que sans Dieu, il ne saurait y avoir de réel progrès. Aucune société ne peut être réellement progressiste et prospère, en l’absence de liberté. Toutefois, la vraie liberté n’est acquise qu’en restant près de Dieu. L’histoire du vingtième siècle confirme tragiquement cette vérité. L’humanité a connu l’horreur émanant d’Europe Centrale avec les millions de victimes de la Seconde guerre mondiale et des persécutions racistes. Elle a, en même temps, vécu l’horreur des puissances qui, s’étant nommées progressistes, ont commis, au nom de la liberté, des atrocités de portée et de dureté similaires en Europe de l’Est. Ainsi donc, le totalitarisme ne connaît pas d’alignements politiques, comme corollaire d’un humanisme sans Christ, conduisant naturellement à la destruction et à la mort. Tout ceci atteste que tout effort pour une vraie liberté sans Dieu est condamné à dégénérer en tragédie.

À cette domination des puissances des ténèbres, l’Église répond par la grâce et la puissance du Christ Ressuscité. Celui qui assuma les affections et les souffrances de tout être humain, par Sa Résurrection, fournit au monde la certitude que « la mort a été vaincue ».

La résurrection et la vie sont don et lumière de Jésus Christ qui « illumine tous les humains ». Rendons tous honneur à ce don. Remercions le Donateur, celui qui a « brillé, comme en un miroir, pour illuminer l’univers […] et montré aux nations la lumière de la résurrection ». Venez, donc prendre la lumière à la Lumière sans déclin de la Vie. Venez, acceptons et recevons la donation de la résurrection et, du fond du cœur, crions à pleine voix :

Le Christ est ressuscité des morts, par sa mort il a triomphé de la mort, il nous délivre du tombeau pour nous donner la vie ! Peuples, réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse !

Saintes Pâques 2014

+ Bartholomaios de Constantinople

votre fervent intercesseur dans le Christ Ressuscité