Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale

Patriarcat de Moscou

Rapport de Constantin Andronikof – Première partie

La fondation

La révolution russe et la destruction tragique des valeurs spirituelles et culturelles de la Russie ont néanmoins eu deux conséquences positives inattendues: le rétablissement du Patriarcat, d’une part; et de l’autre, l’exil dans le monde occidental libre d’un groupe considérable d’évêques, de clercs, d’intellectuels et de fidèles.

Au départ, ce groupe a essentiellement vécu de la mystique de la Sainte Russie et du rêve de rentrer dans sa patrie. L’histoire en décida autrement.

Dès 1920, il devint clair que les relations entre ce groupe qui constituait dès lors une entité sous forme de diocèse, et l’Église-Mère, étaient pratiquement coupées. Le Patriarche martyr Tikhon, considérant l’Autorité ecclésiastique du Sud de la Russie, qui était déjà entrée en fonctions, écrivait dans son décret du 20 novembre 1920 (N° 362): « Au cas où un diocèse se trouverait privé du moyen de correspondre avec l’Autorité ecclésiastique supérieure ou au cas où celle-ci viendrait à cesser ses activités, l’évêque diocésain entre immédiatement en relations avec les évêques des diocèses voisins afin d’organiser une instance supérieure de l’Autorité ecclésiastique… Au cas où cela serait impossible, l’évêque diocésain assume lui-même toute l’autorité. »

La tentative qui a consisté à exécuter ce décret à l’étranger, alors qu’il était destiné à un diocèse situé dans les limites canoniques du territoire russe et du Patriarcat de Moscou, n’était pas canoniquement fondée ni appliquable à la Diaspora.

Mais cette succession des mesures à prendre dans des circonstances de contrainte, prévue par le patriarche Tikhon, correspondait à la réalité. Une Autorité ecclésiastique supérieure se forme et elle crée un Synode d’évêques à Carlovtsy, en Serbie, sous la présidence du Métropolite Antoine et de l’Archevêque Euloge.

S.S. le Patriarche Tikhon, par son décret N° 423, en date du 8 avril 1921, nomme l’Archevêque Euloge chef des Églises (ou plutôt des paroisses) russes en Europe occidentale.

En janvier 1922, il l’élève au rang de Métropolite et, le 5 mais 1922, avec le Saint Synode et le Conseil Suprême, le Patriarche confirme ce décret, dissout l’Assemblée de Carlovtsy et confère au Métropolite Euloge « toute l’autorité » ecclésiastique sur les paroisses à l’étranger. Le groupe d’évêques de Carlovtsy se soumet à cette décision patriarcale, mais reprend bientôt ses activités, sous le nom de Synode provisoire d’évêques à l’étranger.

Le Métropolite Euloge participe néanmoins aux réunions, par affection et respect envers ses confrères et le Métropolite Antoine, son maître à l’Académie de Théologie, encore qu’il n’eût pas dû le faire en vertu de ses pouvoirs. Il espérait sauvegarder l’unité. Cet espoir est resté vain, hélas ! jusqu’à ce jour.

Lorsque cette assemblée d’évêques voulut que le Métropolite Euloge se soumit à elle, il cessa d’assister aux séances, la privant du même coup de toute base canonique.

Ainsi, deux entités ecclésiastiques, la Métropole russe du Métropolite Euloge et l’Église Synodale du Métropolite Antoine commencèrent à vivre séparément et, parfois, non sans hostilité. C’est là une de ces dissensions qui déchirent le Corps du Christ dans la Diaspora orthodoxe. Un autre drame est suscité par une méconnaissance radicale, chez un nombre considérable d’orthodoxes, russes ou autres, en Occident, de la nature même et de la mission de cette Diaspora.

Mais ma tâche ici n’est pas de faire un essai de théologie critique, elle consiste à décrire ce qui s’est passé.

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