Rapport du Père Alexis Kniazeff
Introduction
La tâche canonique qui incombe à notre Assemblée extraordinaire a trait à la situation de notre Exarchat depuis que nous avons reçu du Patriarche cuménique la lettre du 22 novembre 1965, portant suppression de cet Exarchat des églises orthodoxes russes en Europe occidentale. Cet acte est intervenu en dehors de notre volonté et nous n’avons pas ici à en analyser les causes. Aucun pourparler ne l’a précédé. Or, dans sa lettre, S. S. le Patriarche Athénogoras, tout en nous considérant comme une entité ecclésiastique ayant à sa tête un Archevêque et des évêques et tout en témoignant que cette entité avait prouvé sa capacité de vivre, nous propose d’entrer en relation avec le Patriarche de Moscou et de toute la Russie et il exprime l’espoir que ce dernier nous recevra sous sa protection paternelle. Cette solution suggérée par le Patriarche cuménique nous a paru inacceptable, pour des raisons tant psychologiques que canoniques. Aussi avons-nous dû faire aussitôt face à un double problème: d’une part, comment maintenir notre entité ecclésiastique, dont S. S. le Patriarche cuménique a comme exprès fait ressortir le caractère vivace? De l’autre, ce faisant, comment prévenir le danger pour cette entité de se trouver séparée de l’Église orthodoxe? Si tel avait été le cas, en effet, ni les Églises orthodoxes ni celles des autres confessions ne l’auraient considérée comme faisant partie de l’ensemble de l’Église orthodoxe.
L’Archevêque Georges lui-même, le Conseil de l’Archevêché et la Commission Canonique ont consacré tout le temps qui a précédé notre Assemblée à préparer la solution de ce problème. La présent rapport expose le résultat de ces travaux et les propositions concrètes qui en sont la conséquence.
Première Partie
J’ai traité en détail de la première partie de ce problème dans mon rapport du 30 décembre 1965, le jour où l’Archevêché a été proclamé. J’en ai aussi parlé dans l’article paru dans La Pensée Russe le 15 février 1966, c’est-à-dire la veille de l’Assemblée. Je rappelerai simplement que c’est justement pour conserver l’intégrité de notre existence, et non pas à quelque autre fin, que Mgr. Georges avait choisi la voie de l’indépendance ecclésiastique et qu’il l’avait proposé à son clergé le 30 décembre 1965. En effet, cette voie était et continue d’être la seule qui nous permette de garder notre unité et par là même de nous préserver d’une dissension ou d’une dissolution autrement inévitables. Toutes les autres voies que nous pouvions envisager alors ne pouvaient sauver notre union, quand elles ne s’excluaient pas d’elles-même par le fait qu’elles auraient été canoniquement inacceptables, voire impossibles.
Après tout ce qui s’était passé, il était inconcevable de se soumettre à Moscou. Il devient d’ailleurs de moins en moins justifiable de considérer une telle solution d’un point de vue canonique: ce n’est pas le Patriarcat de Moscou qui a organisé notre entité ecclésiastique, outre qu’il n’a jamais eu aucun droit d’autorité juridictionnelle sur des fidèles qui ont cessé depuis longtemps d’être citoyens du pays auquel, et auquel seul, s’étend la juridiction de l’Église russe, ou qui n’ont jamais été citoyens de ce pays.
Également incontestable et impossible était la solution qui aurait consisté à devenir un vicariat russe du Métropolite grec, Exarque du Patriarche cuménique: outre qu’au moment où la crise s’est ouverte, cette voie ne nous a pas été proposée ni par le Patriarche ni par aucun de ses représentants officiels, elle nous aurait conduits, si nous l’avions suivie, à être divisés en quatre parties; car, à l’heure actuelle, le Patriarche cuménique a non pas un, mais quatre Exarques grecs en Europe occidentale; en effet, il y a deux ans, la métropole grecque de Thiatyre, dont le territoire coïncidait avec celui notre ancien Exarchat, a été divisée en quatre métropoles, directement soumises au Trône cuménique. En conséquence, nous aurions été nous-même fractionnés et nous aurions formé non pas un, mais quatre vicariats.
Pour des raisons canoniques, une troisième solution, celle qui aurait consisté à se joindre au Synode de l’Église russe hors-frontières, était impossible, encore que celle-ci se livre à une propagande assez bruyante ces jours-ci. Or, ce groupement ecclésiastique, canoniquement douteux de par sa formation, ne l’est pas moins par nombre de ses initiatives et, par conséquent, il n’est reconnu par aucun des Patriarches Orientaux ni par aucune Église orthodoxe.
Enfin, pour des considérations analogues, il nous aurait été difficile d’imaginer nous joindre à la Métropole russe d’Amérique, pourtant si amicalement disposée: sa position canonique n’est pas claire, elle est interdite par le Patriarche de Moscou et n’est pas conséquent pas reconnue par de nombreuses autres Églises. En outre, elle attend notre propre décision pour se déterminer et, selon toute vraisemblance, sa décision sera la même que la nôtre, c’est-à-dire l’indépendance.
En vertu de ce qui précède, il est proposé à notre Assemblée d’adopter la décision prise le 30 décembre dernier, avec une conscience claire du fait que cette décision et son adoption ne sont nullement un acte arbitraire ecclésiastique, mais qu’elles sont rendues nécessaires par les circonstances historiques, sinon par la Providence elle-même, à des fins que nous ne connaissons pas encore.
Notre situation actuelle se rapproche d’exemples historiques, alors que des régions entières s’étaient trouvées dans la nécessité de devenir indépendantes; cela s’est produit aussi dans le cas de l’Église russe, obligée de devenir indépendante quand Constantinople eut accepté l’union de Florence et dont l’indépendance n’avait été reconnues qu’après que le Patriarcat y eut été établi, c’est-à-dire plus de cent cinquante ans plus tard. Adoptant l’indépendance, nous pourrons rester unis et continuer ensemble notre œuvre au service de Dieu, entreprise il y a plus de quarante ans. Alors nous pourrons considérer que la première partie de notre tâche est achevée. Reste la seconde: ne pas être séparé de l’ensemble de l’Église orthodoxe.
Deuxième Partie
[…] Adoptant l’indépendance, nous pourrons rester unis et continuer ensemble notre œuvre au service de Dieu, entreprise il y a plus de quarante ans. Alors nous pourrons considérer que la première partie de notre tâche est achevée. Reste la seconde: ne pas être séparé de l’ensemble de l’Église orthodoxe.
En quoi consiste-t-elle concrètement ? Que notre indépendance soit reconnue par les chefs des Églises orthodoxes. Cette reconnaissance est nécessaire pour que nous puissions être en communion liturgique avec celles-ci. Il nous incombe de nous adresser à elles pour leur demander de nous reconnaître. Et avant que notre indépendance ne soit reconnue, bien qu’il nous soit possible de conserver toute la plénitude de la vie ecclésiastique, puisque nous n’avons contrevenu à aucun canon, il ne faut rien faire qui pût faire obstacle à cette reconnaissance et qui entraînât la rupture immédiate de la communion avec les autres Églises.
Sommes-nous en mesure de pose le problème de notre reconnaissance ? Pouvons-nous espérer une attitude favorable de la part des Églises orthodoxes locales ? À cette question préalable, la Commission canonique et le Conseil de l’Archevêché répondent par l’affirmative. Oui, parce que ce n’est pas de notre faute si nous sommes contraints d’adresser une telle demande aux chefs des Églises orthodoxes. Oui, parce que nous n’avons pas d’autre issue canonique pour conserver notre intégrité et, en général, notre être. Oui, malgré notre petit nombre, car l’Église orthodoxe compte par mi les Églises autocéphales une entité aussi petite que le monastère du Sinaï (d’ailleurs, plusieurs Patriarcats anciens comprennent dans leur frontière une bien moins grande quantité de fidèles que nos paroisses). Oui, car nous avons pour nous l’ancienneté: nous existons depuis 46 ans et nous sommes le diocèse orthodoxe d’Europe occidentale organisé et jouissant de l’autonomie interne depuis le plus longtemps. Oui, à cause de l’œuvre historique que nous avons déjà accomplie pour l’orthodoxie russe et pour l’orthodoxie en général dans ces régions. Bien que nous continuions d’être en majorité russes d’origine et par l’esprit, la plupart d’entre nous sont citoyens de plein droit dans les États où nous vivons. Et même ceux d’entre nous qui, juridiquement sont des réfugiés russes, dépendent par leur statut de ces mêmes pays. Nous avons donc la possibilité aussi bien que le droit de parler de notre relation permanente avec l’Europe occidentale et nous concevoir dans une certaine mesure comme une Église locale.
Il est vrai que nous ne sommes pas les seuls orthodoxes à vivre actuellement sur ce territoire. Il y en a d’autres nationalités: Grecs, Serbes, Roumains, et aussi des Russes d’autres juridictions. Mais tous ces frères orthodoxes, soit d’un point de vue réel soit d’un point de vue idéal, estiment que par la juridiction il dépendent de l’Église nationale qui correspond au territoire de la patrie qu’ils ont dû quitter, car ils considèrent comme provisoire et contingent leur séjour en Europe occidentale. Il n’existe pas encore d’Église orthodoxe qui se conçoive comme implantée en Europe occidentale et organiquement liée à celle-ci.
Néanmoins, le besoin d’une telle Église apparaît déjà. Nous l’avions proclamé dès l’Assemblée diocésaine de 1949. Des articles publiés dans la presse et suscités par la polémique relative à notre déclaration d’indépendance en parlent, et ils ne sont pas uniquement dûs à nos partisans. Tout cela est fort compréhensible, car seule une telle Église permettrait d’apporter une juste solution canonique à toutes nos disputes juridictionnelles et aux anomalies dans la situation des orthodoxes en Europe occidentale et dans les autres régions de la Diaspora, comme, par exemple, la présence dans une mêm ville de trois, quatre évêques, ou même plus, dont certains ignorent les autres ou sont en lutte ouverte les uns contres les autres.
Or, nous sommes en mesure de devenir une telle Église. La possibilité nous en est offerte d’abord par l’élément multinational qui apparaît dans la composition de l’Archevêché: en effet, outre les fidèles d’origine russe, celui-ci comprend des Français de souches, des Belges, des Hollandais, des Allemands, des Scandinaves, sans parler d’un groupe de 5000 Roumainsque neuf délégués représentent à la présente Assemblée.
Ensuite, cette possibilité est manifestée par la caractère de plus en plus panorthodoxe qui est inhérent à notre Institut de Théologie: parmi les étudiants, six juridictions sont représentées; parmi le corps professoral, il y en a quatre, en plein accord, dans la paix et la charité.
Nous pouvons devenir une Église locale sinon aussitôt, du moins dans l’avenir. Aujourd’hui, nous sommes en état de représenter le centre autour duquel cette Église pourra se former. Pour être un tel centre, nous sommes fondés à demander que les autres Églises orthodoxes nous reconnaissent, car l’indépendance n’est pas reconnue pour elle-même, elle n’est pas un but en soi. On ne saurait reconnaître celle de n’importe quel groupe vagant qui ne serait lié à aucun territoire. D’ailleurs, même un groupe qui aurait une implantation locale ne pourrait de ce seul fait prétendre à ce que son idépendance fût reconnue: outre qu’il doit être orthodoxe dans tous ses aspects, sans contredit, il doit être suffisamment significatif pour représenter un certain intérêt aux yeux de la famille orthodoxe.
Cet intérêt, il semble que nous le présentons, si nous nous engageons dans la voie qui permet de résoudre, selon l’esprit strict des canons, les problèmes que j’ai déjà évoqués et que pose la situation incorrecte, du point de vue canonique, de toute la Diaspora orthodoxe; situation dont sont coupables non seulement les émigrés russes, mais encore toutes les Églises actuelles, et qui a, pour conséquence, par exemple, que les orthodoxes d’Amérique, fils de la même Église, sont divisés en plus de 25 juridictions, dont certaines de combattent et s’arrachent les unes aux autres paroisses et fidèles. Nous sommes en droit de parler de cet intérêt que nous représentons pour l’orthodoxie, puisque nous nous sommes déjà déterminés dans cette voie et que tous ceux qui sont sincèrement préoccupés par nos divisions commencent à nous manifester de la sympathie.
Cela ne suffit pourtant pas. Nous devons encore être animés du souci de nous montrer vraiment orthodoxes en toute chose. Il ne s’agit pas seulement de notre désir de confesser toute la plénitude de la doctrine orthodoxe et d’y conformer notre vie. Je ne crois pas qu’un observateur de bonne foi puisse nous accuser de manquer d’un tel désir. J’entends particulièrement qu’il faut nous pénétrer entièrement de la nécessité d’être reconnus par les autres Églises et de rester en communion avec elles. Autrement, il nous serait difficile de nous montrer orthodoxes aux yeux d’autrui et à nos propres yeux. J’y fais allusion parce que nous avons depuis longtemps perdu le sentiment que l’Église orthodoxe est universelle, catholique. Aussi arrive-t-il que, psychologiquement, nous n’éprouvions pas le besoin d’être reconnus par les autres Églises. Nous supposons souvent que nous sommes orthodoxes même sans une telle reconnaissance, qu’il nous suffit d’être membre de notre paroisse, d’y prier, d’être pieux, charitables. Or, la nature catholique de l’Église nous deviendrait aussitôt évidente si, pour une raison quelconque, nous n’étions pas reconnus. Alors, dans sa vie et dans son activité, notre entité ecclésiastique commencerait immédiatement à souffrir. Il nous deviendrait impossible de travailler en commun avec d’autres Églises. Notre clergé perdrait la possibilité d’officier et de communier au Saint Sépulcre et en d’autres lieux de la Terre Sainte. Les laïcs ne resteraient pas étrangers à ces difficultés: elles peuvent toucher les mariages avec les fidèles d’autres Églises; la participation aux pèlérinages panorthodoxes non seulement des clercs, mais aussi des laïcs, peut devenir délicate. Aussi, dans le monde, mais dans l’Église encore bien davantage, le particulier doit-il le céder au général, le local à l’ecclésial et le national à l’universel. Dans la mesure où nous serons être les porteurs d’une conscience universelle, nous convaincrons les autres de nous considérer comme orthodoxes; autrement dit, de nous reconnaître. Car la reconnaissance n’est pas autre chose que le fait que toutes les Églises locales établissent que nous représentons vraiment l’Église orthodoxe universelle dans sa doctrine et dans sa vie et que, précisément pour cette raison, elles peuvent nous recevoir comme membre dans la famille des Églises orthodoxes indépendantes.
Pouvons-nous espérer une telle reconnaissance ? Notre demande sera-t-elle reçue et examinée avec bienveillance ? Nous avons pour nous l’œuvre accomplie, notre droit et notre justice devant Dieu et devant l’Église; et aussi le caractère exceptionnel de notre situation, qui n’a pas de précédent dans l’histoire ecclésiastique. Nous avons pour nous la compréhension que nous avons trouvée auprès de S. S. le Patriarche cuménique et qu’il continue de nous témoigner, ainsi que celle que nous ont manifestée des représentants éminents d’autres Églises. J’espère que ceux-là mêmes qui l’ont constaté en parleront à notre Assemblée. Cela nous autorise d’espérer l’aide toute-puissante et la miséricorde de Dieu. Cette aide nous sera d’autant plus efficace que nous seront plus résolument guidés par les lois de la justice et que nous manifesterons notre amour pour notre communauté, pour notre entité ecclésiastique, pour toutes les Églises et pour la plénitude de l’Église une.
Troisième Partie
Quelle est donc la solution concrète de toutes les questions qui se posent à l’Assemblée, solution que la Commission Canonique et le Conseil de l’Archevêché lui proposent ? Avant que d’en parler, il est de mon devoir de faire ressortir qu’en élaborant ces propositions, ces deux organes ont apporté la plus la plus grande attention au passé aussi bien qu’à la situation actuelle de notre Église et à l’avenir qui s’ouvre à elle. Ils ont consacré tous leurs efforts afin de garder intactes toutes nos traditions ecclésiales et confirmer tout l’acquis de notre passé, afin aussi de tenir compte de toutes les circonstances dans lesquelles l’Exarchat russe provisoire du Trône cuménique a été supprimé et l’indépendance de l’Archevêché a été proclamée. La Commission Canonique et le Conseil se sont également efforcés de satisfaire les vœux qui leurs ont été soumis par nos paroissiens, considérer toutes les tendances, écouter chaque avis, tout en s’en tenant à la stricte égalité ecclésiastique et en se souciant de ne fermer aucune possibilité future. Dans leur jugement, la Commission et le Conseil ont observé la plus grande prudence canonique et ecclésiale.
Voici ce qu’en conséquence il soumettent à l’approbation de l’Assemblée:
- Se joindre à la déclaration d’indépendance de notre Église, proclamée le 30 décembre 1965, l’adopter et la confirmer à la plus forte majorité possible, en se rappelant que cette indépendance est le seul moyen de défendre notre entité ecclésiastique et le seul gage pour continuer notre vie et notre développement en commun.
- Définir notre Église, en tant que l’Archevêché. Il y en a qui s’étonnent, peut-être, que nous parlions d’un Archevêché et non pas d’une Métropole. C’est que ce nom-là convient plus que celui-ci à un membre indépendant de l’Église. Dans l’ancien temps, un archevêque était placé à la tête des entités ecclésiastiques, et ainsi que l’indique ce titre, l’archevêque était le chef des évêques. Ceux des grandes villes, les métropolites, lui étaient soumis. En vertu de cette disposition, dans la plupart des Églises orthodoxes, le rang et la fonction de l’archevêque sont plus élevés que ceux du métropolite, dénomination qui a souvent été étendue à tous les évêques diocésains. Il en est ainsi dans le Patriarcat cuménique, dans l’Église d’Hellade, dans la Bulgare, dans les Patriarcats du Proche-Orient, etc. N’oublions pas que dans la hiérarchie du Patriarcat cuménique, notre Archevêque, le chef de l’Ancien Exarchat russe, était le second par le rang; il était précédé de l’Archevêque d’Amérique et suivi de celui d’Australie. Ce rang est celui des chefs des Églises autocéphales qui ne sont pas des Patriarcats: celles d’Hellade, de Chypre, du Sinaï. Le même titre est porté par le chef de l’Église autonome de Finlande.
Pour ce qui est de la position particulière de l’Église russe, où le métropolite est supérieur à l’archevêque, elle s’explique par son histoire. Depuis le baptême de la Russie, le chef de son Église était un métropolite. À mesure que celle-ci croissait par le nombre et l’étendue du territoire, elle se divisait en des diocèses de plus en plus nombreux qui, naturellement, dépendaient d’abord du Métropolite de Kiev, puis de celui de Moscou. Avec le temps, certains évêques diocésains, comme par exemple celui de Novgorod, furent nommés archevêques par Constantinople en même temps qu’ils en obtenaient une certaine autonomie par rapport au Métropolite. Ensuite, au moment de la création du Patriarcat, le Métropolite, chef de l’Église russe, devint Patriarche de Moscou et de toute la Russie. Après les réformes de Pierre le Grand, le titre de métropolite, comme celui d’archevêque, devint une simple récompense attribuée par l’autorité ecclésiastique supérieure; récompense qui pouvait d’ailleurs être donnée sans rapport avec le rang du diocèse tenu par l’évêque gratifié.
Aussi bien, compte tenu de ces faits et surtout de nos relations avec les autres Églises, le chef de notre entité indépendante doit continuer d’être un Archevêque. - Affirmer solennellement que nous restons indissolublement liés avec notre passé et, surtout, que nous témoignons de l’origine russe de notre Archevêché, qui appartient à la tradition ecclésiale russe, et de notre fidélité spirituelle à l’Église russe, à la Russie, à sa culture et à son peuple. Sur ce point, il sera proposé à l’Assemblée d’adopter une résolution spéciale.
- Donner à notre Église un nouveau titre qui corresponde à sa situation canonique. Ce titre doit énoncer le caractère local de notre Archevêché, lesquel lui donne son fondement canonique; il doit indiquer sa relation avec les pays d’Europe occidentale où se sont fixés les clercs et les laïcs qui le composent et où il se trouve lui-même sous la protection des autorités civiles. D’autre part, ce titre doit rappeler l’origine russe de l’Archevêché, son lien constant avec la tradition de l’Église russe et la nature de la majorité de ses paroisses et communautés. Néanmoins, du moment que nous ne sommes pas canoniquement subordonnés à l’Église russe et que nous sommes indépendants, nous n’avons le droit de parler de nous-mêmes que comme de Russes qui se trouvent dans la dispersion.
En vertu de ce qui précède, la Commission Canonique et le Conseil vous proposent de nous intituler ainsi: « Archevêché orthodoxe de France et d’Europe occidentale et des paroisses russes de la Diaspora en Europe occidentale ». L’Assemblée est appelée à voter sur cette dénomination quand elle aura à se prononcer sur l’article premier de nos nouveaux statuts, lequel l’explique et souligne que l’Archevêché est le successeur direct de l’Exarchat provisoire des Églises orthodoxes russes en Europe occidentale, supprimé par le décret du Patriarche Athénagoras I, en date du 22 novembre 1965. - Ce faisant, s’efforcer de conserver plus qu’une relation purement spirituelle avec le Trône cuménique, sous la protection duquel nous nous sommes trouvés depuis 35 ans. Nous n’avons pas encore l’expérience d’une vie indépendante et, par conséquent, nous avons un besoin vital de profiter de la direction paternelle du Premier Évêque de l’Église orthodoxe. Donc, les statuts soumis à l’approbation de l’Assemblée prévoient:
a) à l’art. 10, que le nom de S. S. le Patriarche cuménique soit commémoré par le chef de l’archevêché aux offices;
b) à l’art 41, que l’arbitrage du Patriarche cuménique [soit] obligatoirement sollicité dans certains cas difficiles.
- Adopter les statuts de l’Archevêché. Le projet en avait été élaboré par la Commission Canonique dès avant les événements qui ont suivi la communication de la lettre patriarcale du 22 novembre. Il a été ensuite mis au point par la Commission et par le Conseil conformément à notre situation nouvelle d’indépendance. Les traits principaux et les particularités de ces statuts seront exposés à l’Assemblée dans un rapport spécial que le Président de la Commission Canonique présentera lui-même. En conséquence de ce nouveau texte, l’Assemblée sera aussi appelée à élire des évêques pour occuper nos nouvelles chaires, les membres du Conseil de l’Archevêché, ceux de la Commission de Vérification des Comptes et ceux du Tribunal Ecclésiastique.
- Apporter au statut sous lequel notre Archevêché est enregistré auprès des autorités françaises les amendements que notre situation nouvelle rend aussi nécessaires, car la loi française exige que toute modification canonique d’une Église se trouvant sous le territoire de l’État soit officiellement entérinée dans son statut. Ces amendements feront également l’objet d’un rapport, présenté à l’Assemblée par un juriste français, spécialiste du droit civil ecclésiastique.
- Proclamer solennellement par une résolution canonique qu’en acceptant la déclaration d’indépendance, l’Assemblée demeure immuablement fidèle à toute la doctrine de la Sainte Église orthodoxe, à toute se tradition dogmatique et canonique et qu’elle lui reste entièrement obéissante. En foi de quoi, s’il en était ainsi décidé par un Concile panorthodoxe, qui exprime authentiquement le sentiment de l’Église, l’Archevêché serait disposé à intégrer son être dans une organisation ecclésiastique plus vaste qu’il conviendrait à un tel Concile, aux fins de l’unité de l’Église et si Dieu l’accorde, de constituer pour les parties de la chrétienté orthodoxe qui, par la volonté de Dieu et par suite de circonstances historiques, sont apparues et existent aujourd’hui en dehors des régions du monde traditionnellement peuplées d’orthodoxes.