Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale

Patriarcat de Moscou

Rapport du Père Alexis Kniazeff – Première Partie

J’ai traité en détail de la première partie de ce problème dans mon rapport du 30 décembre 1965, le jour où l’Archevêché a été proclamé. J’en ai aussi parlé dans l’article paru dans La Pensée Russe le 15 février 1966, c’est-à-dire la veille de l’Assemblée. Je rappelerai simplement que c’est justement pour conserver l’intégrité de notre existence, et non pas à quelque autre fin, que Mgr. Georges avait choisi la voie de l’indépendance ecclésiastique et qu’il l’avait proposé à son clergé le 30 décembre 1965. En effet, cette voie était et continue d’être la seule qui nous permette de garder notre unité et par là même de nous préserver d’une dissension ou d’une dissolution autrement inévitables. Toutes les autres voies que nous pouvions envisager alors ne pouvaient sauver notre union, quand elles ne s’excluaient pas d’elles-même par le fait qu’elles auraient été canoniquement inacceptables, voire impossibles.

Après tout ce qui s’était passé, il était inconcevable de se soumettre à Moscou. Il devient d’ailleurs de moins en moins justifiable de considérer une telle solution d’un point de vue canonique: ce n’est pas le Patriarcat de Moscou qui a organisé notre entité ecclésiastique, outre qu’il n’a jamais eu aucun droit d’autorité juridictionnelle sur des fidèles qui ont cessé depuis longtemps d’être citoyens du pays auquel, et auquel seul, s’étend la juridiction de l’Église russe, ou qui n’ont jamais été citoyens de ce pays.

Également incontestable et impossible était la solution qui aurait consisté à devenir un vicariat russe du Métropolite grec, Exarque du Patriarche Œcuménique: outre qu’au moment où la crise s’est ouverte, cette voie ne nous a pas été proposée ni par le Patriarche ni par aucun de ses représentants officiels, elle nous aurait conduits, si nous l’avions suivie, à être divisés en quatre parties; car, à l’heure actuelle, le Patriarche Œcuménique a non pas un, mais quatre Exarques grecs en Europe occidentale; en effet, il y a deux ans, la métropole grecque de Thiatyre, dont le territoire coïncidait avec celui notre ancien Exarchat, a été divisée en quatre métropoles, directement soumises au Trône Œcuménique. En conséquence, nous aurions été nous-même fractionnés et nous aurions formé non pas un, mais quatre vicariats.

Pour des raisons canoniques, une troisième solution, celle qui aurait consisté à se joindre au Synode de l’Église russe hors-frontières, était impossible, encore que celle-ci se livre à une propagande assez bruyante ces jours-ci. Or, ce groupement ecclésiastique, canoniquement douteux de par sa formation, ne l’est pas moins par nombre de ses initiatives et, par conséquent, il n’est reconnu par aucun des Patriarches Orientaux ni par aucune Église orthodoxe.

Enfin, pour des considérations analogues, il nous aurait été difficile d’imaginer nous joindre à la Métropole russe d’Amérique, pourtant si amicalement disposée: sa position canonique n’est pas claire, elle est interdite par le Patriarche de Moscou et n’est pas conséquent pas reconnue par de nombreuses autres Églises. En outre, elle attend notre propre décision pour se déterminer et, selon toute vraisemblance, sa décision sera la même que la nôtre, c’est-à-dire l’indépendance.

En vertu de ce qui précède, il est proposé à notre Assemblée d’adopter la décision prise le 30 décembre dernier, avec une conscience claire du fait que cette décision et son adoption ne sont nullement un acte arbitraire ecclésiastique, mais qu’elles sont rendues nécessaires par les circonstances historiques, sinon par la Providence elle-même, à des fins que nous ne connaissons pas encore.

Notre situation actuelle se rapproche d’exemples historiques, alors que des régions entières s’étaient trouvées dans la nécessité de devenir indépendantes; cela s’est produit aussi dans le cas de l’Église russe, obligée de devenir indépendante quand Constantinople eut accepté l’union de Florence et dont l’indépendance n’avait été reconnues qu’après que le Patriarcat y eut été établi, c’est-à-dire plus de cent cinquante ans plus tard. Adoptant l’indépendance, nous pourrons rester unis et continuer ensemble notre œuvre au service de Dieu, entreprise il y a plus de quarante ans. Alors nous pourrons considérer que la première partie de notre tâche est achevée. Reste la seconde: ne pas être séparé de l’ensemble de l’Église orthodoxe.

409