Fête de Notre Dame de Kazan à Moisenay
Le dimanche 19 octobre dernier, Monseigneur l’archevêque Gabriel a présidé la divine liturgie au skite Notre-Dame-de-Kazan à Moisenay, entouré du hiérodiacre Athanase et du héromoine Ambroise, ayant la charge de l’église et résidant sur place. Une trentaine de fidèles étaient présents.
Dans son homélie, Monseigneur Gabriel a développé la place réservée à la Mère de Dieu dans notre foi orthodoxe, et, de manière liée, dans nos offices liturgiques.
À l’issue de la Liturgie, Monseigneur Gabriel a fait part de sa joie de voir la vie de ce lieu et de cette communauté, rappelant les quelques fois où il était déjà venu (notamment en 1987, où il avait été envoyé comme prêtre par l’archevêque Georges Wagner, pour y célébrer les offices de la Nativité). Il a également remercié le père Ambroise, pour son travail fait en ce lieu.
Depuis 2005, le hiéromoine Ambroise demeure à l’ermitage de Notre Dame de Kazan et y assure la liturgie. Au départ de formation agriculteur, il a été diplômé de l’Institut de Théologie Orthodoxe Saint Serge à Paris et du Séminaire de Théologie Orthodoxe Saint Vladimir à New York. Dans l’ermitage il y a aussi une petite ferme. Sa création s’inscrit parfaitement dans la tradition de la vie monastique. Non seulement le père Ambroise se nourrit du fruit de son travail, mais les paroissiens rapportent volontiers chez eux des oeufs et du miel. Il y a même une ânesse à la ferme, qui répond au nom de Jérusalem, la favorite des petits comme des grands.
Extrait du communiqué 11-08 du Conseil de l’archevêché
Le skite de Moisenay connaît actuellement des difficultés matérielles et d’entretien, les fresques remarquables du père Grégoire Krug qui ornent les murs intérieurs de la chapelle sont notamment très abîmées. Mgr Gabriel a donné sa bénédiction pour qu’un appel soit lancé afin de rassembler les fonds nécessaires à la sauvegarde d’un lieu fondé au milieu des années 1930 par un groupe de moniales émigrées russes et qui fait partie du patrimoine spirituel de l’archevêché.
Histoire de la fondation de l’ermitage de la Vierge de Kazan à Moisenay
L’histoire de l’ermitage est étroitement liée à la vie de l’archimandrite Euthyme (Vendt). Le père Euthyme naquit en 1894 à Tchernigov. Il était l’aîné d’une famille qui comptait encore quatre autres garçons. On l’avait nommé Grigori. Son père était garde-forestier. Il fut envoyé par ses parents au lycée de Tchernygov, dont il sortit avec la médaille d’or. Grigori se distinguait tout particulièrement par ses dons pour les mathématiques.
Dès le début de la Grande Guerre, les frères Vendt furent mobilisés, et tous périrent au champ d’honneur. En raison de ses compétences techniques, Grigori était devenu télégraphiste au front. Ainsi, il n’eut pas à tirer et ne tua personne. Il en fut reconnaissant à Dieu : il disait qu’il aurait été difficile de se tenir derrière l’autel s’il avait tué quelqu’un, même involontairement et à la guerre.
A la fin de la guerre, le père Euthyme se retrouva en Tchécoslovaquie. Là, il travailla tout d’abord dans une mine, puis eut la possibilité d’entrer à l’Institut polytechnique de Prague et y accomplit ses études avec succès. Mais dès cette époque il se mit à penser sérieusement à l’état monastique. En 1930 il s’installa à Paris et entra à L’Institut théologique Saint Serge. En 1932, Grigori Vendt prit l’état monastique et le nom d’Euthyme. Ils lui furent donnés par le métropolite Euloge en l’honneur du vénérable Euthyme de Souzdal, l’interlocuteur du vénérable Sergueï de Radonèje. Il le fit rapidement hiérodiacre, puis hiéromoine.
Père Euthyme fut nommé à Ozoire-la-Ferrière, en banlieue parisienne. Il y avait là une petite église en bois avec un grenier. Le père Euthyme vécut dans ce grenier où eurent lieu ses premiers exploits monastiques. A cette époque, rue Lourmel à Paris, la Cause orthodoxe de sainte mère Marie (Skobtsova) faisait ses débuts. Autour d’elle et du père Cyprien (Kern) s’étaient réunies quelques moniales. Plusieurs d’entre elles aspiraient à une vie plus contemplative, hors du bruit et des vanités de la ville. Enfin, en 1938 on trouva une maison avec un terrain, au milieu des champs, à deux kilomètres du petit village de Moisenay, à 70 kilomètres de Paris. Le métropolite Euloge donna son accord pour fonder là un ermitage et y nomma Euthyme chef de communauté. L’ermitage fut construit dans la cave de la maison, et consacré à l’icône de la Vierge de Kazan. Il y avait quatre religieuses : Eudoxie et Dorothée, qui étaient soeurs, Blandine et une moniale grecque, Glaphyre. La petite communauté ainsi composée vécut toute la guerre dans une extrême pauvreté. Après la guerre, en 1946, une grande maison avec un jardin leur fut léguée à Bussy-en-Othe. Eudoxie, Blandine et Glaphyre s’établirent là tandis qu’Euthyme resta à Moisenay en compagnie de Dorothée. Des personnes âgées commencèrent à venir vivre chez eux moyennant une somme très modeste, et ils accueillirent aussi des malades pour les soigner. L’été, ils manquèrent déjà de chambres et le père Euthyme alla s’installer en haut de la grange qui se trouvait dans le jardin. Il construisit de petites maisons en bois pour ses hôtes. Il accomplissait l’office chaque jour, matin et soir. Vers six heures du matin, il sonnait et commençait l’office matinal, souvent seul. Vers sept heures, il arrivait quelqu’un qui, s’il pouvait, essayait d’aider à la lecture ou au chant. Le diacre Vladimir Ouvarov vécut là quelques années. Le père Euthyme avait lui-même une oreille musicale très développée et une voix de haute contre.
Au début des années 1950, le père Euthyme décida de construire une église en pierre dans un coin du jardin, près du chemin. Il ne disposait de rien. Il demanda la permission aux propriétaires des champs alentours de ramasser des pierres après la moisson. Il déposait les pierres dans une brouette puis les transportait ainsi jusqu’au lieu choisi. Petit à petit, il érigea les murs en fabriquant lui-même son ciment. Cependant, à cause de sa constitution fragile, il tombait fréquemment malade et le travail avançait lentement. La construction de l’édifice dura vingt ans. Parfois, Ivan Nicandrovitch Baïkov, qui devint par la suite prêtre à Biarritz, venait aider à la construction. Durant ces années, père Euthyme exerça le voeu de silence. Certains prêtres venaient le voir pour se confesser : le père Cyprien, l’épiscope Cassien (Bezobrazov), le père Igor Vernik…
Le père Euthyme était de grande taille, mince, avec une longue barbe grise et des yeux bleus. De caractère, il était extrêmement délicat et doux, il essayait toujours d’aider et de ne vexer personne. Il ne jugeait personne et plaignait tout le monde. A la fin des années 1960, il demanda au moine Grégoire (Kroug), peintre d’icônes dont la notoriété n’était déjà plus à faire, de peindre l’église.
On envoya le père Euthyme àu monastère de la Protection de la Vierge à Bussy-en-Othe pour confesser et ordonner de nouvelles moniales. Il y ordonna entre autres les mères Ia, Hillarie, Jeanne, Justine et la soeur Julianne. Quelques prêtres passaient la fin de leur vie à l’ermitage de la Vierge de Kazan : le père Mikhaïl Firsovski de Grenoble, le père Abraham Terechkovitch de Rosay ; le père Alexandre Trofimov vécut longtemps là à son retour de Chine.
Le père Euthyme avait toujours beaucoup lu, en particulier de la littérature spirituelle et philosophique. Sergueï Boulgakov était son maître spirituel. A la fin de sa vie, le père Euthyme répondait volontiers aux questions qu’on lui posait sur le chemin spirituel de l’homme vers Dieu au sein de l’Eglise. Il comprenait tout le monde et montrait de la bienveillance envers tous. Sa fin fut longue et douloureuse. Il avait un emphysème et était perpétuellement essoufflé. Il mourut le 18 avril 1973 au petit matin, le mercredi de la sixième semaine du Grand Carême.
D’après les notes de la moniale Nina (Ovtracht). Novembre 2004